mercredi 13 octobre 2010

Sternberg forever !

Vous allez croire que je ne cite comme in-Mr Sternberg à la barre
fluences que d'obscurs écrivaillons morts dont déjà plus personne ne se souvient, et il faut hélas admette que vous n'obtiendrez du premier quidam venu qu'une grimace perplexe à l'évocation des noms de Fredric Brown (cité précédemment), ou de Jacques Sternberg, dont je me dois de dire quelques mots ici tant le bonhomme a marqué ma petite existence de papier.

Découvert par hasard dans les caisses à 2 euros d'un petit libraire d'occasion à Grasse (avec, justement, "L'univers en Folie" de Fredric Brown, tu parles d'une sacrée bonne pioche !), c'est avec un étrange bouquin, "Futurs sans Avenir", édité dans la légendaire collection Présence du Futur chez Denoël, qu'a commencé mon périple à travers l'œuvre de mon compatriote (Anvers, 1923). Drôle de bouquin, ce "Futurs sans Avenir", où le "héros" évolue à travers un monde de paperasse et de chicaneries administratives qui vont jusqu'à en affecter le temps et l'espace de manière incongrue. On pense à Kafka (évidemment), Buzatti, mais aussi à Julius Corentin Acquefacques (bd) ...

Surtout, je suis aussitôt conquis par le cynisme dont l'auteur
fait preuve, sa haine de tout système-géôle, de l'humain en général, et de ses dons infinis pour tout foutre en l'air. c'est drôle, mordant, mélancolique, désabusé, bref, j'ai trouvé mon père spirituel !

Cette filiation ne se démentira jamais, que du contraire, suite à la lecture de quelques autres de ses romans (la plupart sont hélas épuisés et ne se sont pas assez vendus que pour mériter un nouveau tirage) tels "Sophie, la Mer et la Nuit", "Le Coeur Froid", "Toi, Ma Nuit", et surtout "L'Employé", petit bijou d'hu-
mour absurde et iconoclaste pour les uns, truc illisible pour les
autres.

Quelques citations pour mieux faire connaissance :

«L'Eglise a toujours tout fait pour soigner son image de marque tapageuse parce qu'elle sait que seuls le ridicule, le tape-à-l'oeil, le clinquant et le mauvais goût séduisent les foules.» - Lettre ouverte aux Terriens

«Est-ce que la mort me consolera de ma vie ?» - Fin de siècle

«Tout jeune, on pousse. Adulte, on se pousse. Vieux, les autres vous poussent.» - Dictionnaire des idées revues

«Un compte en banque et quelques canaris à nourrir, un héritage à espérer, une voiture à acquérir, toutes ces bornes de carton qui, de kilomètre en kilomètre, nous mènent fièrement et joyeusement à la tombe.» - Le Coeur Froid.

«Quand on a passé la cinquantaine, on régresse à peu près sur tous les plans, sauf celui des regrets.» Dictionnaire des idées revues

Amateur de navigation à voile, ne voyageant le reste du temps qu'avec son Solex, Jacques Sternberg, devenu chemin faisant pote avec le dessinateur Roland Topor (évidemment pas un hasard !), est mort quelque part en 2006, dans l'indifférence du monde littéraire. Trop fataliste et caustique pour la masse, sans doute ..

3 commentaires:

  1. Pour info, il y a eu deux rééditions récentes:
    "Le délit" et "Un jour ouvrable"
    (www.ladernieregoutte.fr)

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  2. J'ai appris ça, en effet, et deux bouquins que je n'ai jamais lu de lui, qui plus est ! Merci à la Dernière Goutte !

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  3. J'adore aussi Sternberg, un maître de la nouvelle. Pourtant il n'est presque pas connu au Québec.

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