vendredi 28 septembre 2012

Je ne sais vraiment pas où je vais avec ça ...

Premier morceau de texte écrit en plus d'un an, hooray ! Hélas pour moi - vu comme je deviens vite obsédé par un récit dont je veux connaitre le dénouement - on dirait que je suis parti pour du long terme ...

" La première fois que j’ai cru revoir Rusty, l’écureuil d’Owen, j’étais allée pique-niquer au parc avec deux collègues férues de yoga. La décence voudrait-elle que je passe sous silence leur humour redoutable consistant à glisser, chaque fois que le climat le permettait, qu’elles sortaient prendre leurs « poses de midi » ? Probablement, mais peu importe.

Le temps qu’elles se mettent à leurs premiers étirements, j’avais peu à peu vu mon menton plonger de lui-même dans les pages de mon bouquin du moment, « Une Porte sur l’Eté » de Robert Heinlein si mes souvenirs sont bons, ou peut-être était-ce « Tender Is The Night » de Fitzgerald. C’est qu’en ce temps-là, allez savoir pourquoi, il m’était difficile de rester concentrée sur mon sujet, quel qu’il soit, plus de deux minutes d’affilée. Peu importait l’intérêt des anecdotes, l’urgence du travail à fournir ou la difficulté d’une recette, quelque chose en moi devait juger que rien n’en valait vraiment la peine, parce qu’aussitôt je perdais le fil au profit d’un pivert dans le jardin ou d’une bande dessinée en solde sur le net. Une amie de ma mère, qui avait trop lu Dolto et consorts, voulait mettre cela sur le compte du libre arbitre d’un inconscient trop longtemps refoulé, ou autre connerie du genre. Mais mon point de vue à moi, c’est que je me désagrégeais jour après jour, juste comme n’importe qui d’autre sur cette planète, et qu’il n’y avait pas de quoi en faire un plat.

Chez mes collègues Beth et Laura, en revanche, aucun souci de concentration à déplorer. Il fallait les voir dans leurs postures alambiquées, respiration régulière, pas un muscle qui ne frémisse, insensibles - ou feignant de l’être – à l’agitation habituelle du parc. Ce qui ne manquait jamais de m’impressionner, c’était la façon dont l’une et l’autre s’y prenaient pour éviter que leur tee-shirt ne leur tombe sur le visage chaque fois qu’elle se retrouvaient la tête en bas. Utilisaient-elles une ceinture abdominale en velcro, de l’amidon à forte dose ? Vraiment, je n’en avais pas la moindre idée.

Juste avant que Rusty n’entre en scène, Beth m’a tirée de ma torpeur en proposant de m’initier à quelques mouvements de base, à quoi je me suis empressée de répondre par une grimace gênée qui signifiait en substance : « Oh, non merci ! Tu sais bien que je suis trop timide pour m’exhiber ainsi au milieu de tout le monde ! » et elle a aussitôt laissé tomber. Du haut de ses vingt-deux ans, Beth n’en est pas moins directrice – par alliance, mais tout de même – de l’agence de voyage dans laquelle je bossais à l’époque, si on peut appeler ça ainsi. Son grand plaisir dans la vie, en dehors de fourguer de la pyramide et des pirogues aux petits vieux, c’était de voir les quatre employées sous ses ordres former une belle famille unie, sans secrets, rancunes ou jalousies, tout ça. On s’invitait donc souvent les unes les autres pour un repas à domicile, et il arrivait aussi que nous passions le week-end ensemble à sauter dans les arbres ou descendre des rapides en kayak, vous voyez le genre. Pour autant, personne à ma connaissance n’a jamais osé lui avouer à quel point elle pouvait être cruche, quand elle s’y mettait. Pas une mauvaise personne, hein ! Mais rien que les encadrements de ses caniches nains au bureau, seigneur … On pouvait y voir Emeraude sous son ombrelle japonaise, Bijou partageant une crème glacée avec sa maîtresse, Reggie dans son petit manteau en poil de lama certifié, Emeraude encore, posée sous une cloche de verre telle une véritable pierre précieuse ou un fromage. Moi je m’en fichais, à vrai dire. Pour ce que ça changeait, elle aurait tout aussi bien pu les photographier en action avec des boucs en rut, ses molosses.

Mais je m’égare déjà, revenons au parc et à l’apparition de Rusty.
Ce mois d’août-là, on traversait une canicule rare pour la région, ce qui n’empêchait pas de nombreux joggeurs de sillonner les allées en suant et soufflant pire que les oies du Capitole. Il y avait des petits vieux à l’air sévère et concentré, de jeunes loups en short moulant, quelques bonnes femmes replètes entre deux âges, comme on dit pour être poli. Tous s’en donnaient à cœur joie, exhibant leurs habits en fibres spéciales et leurs chaussures dernier cri. Quelques varices et bourrelets pour rendre le spectacle plus humain, aussi.
Bref, c’est à ce moment-là que Rusty est descendu tête la première d’un arbre non loin pour se dresser sur les pattes arrière et me fixer longuement, les narines frémissantes. Rien d’étonnant à ce que cela se produise au beau milieu d’un parc, vous me direz, sauf que l’animal avait la queue anormalement penchée vers la droite et qu’une de ses oreilles manquait à l’appel, résultat, je le savais, d’une rixe avec un félin dont Owen, son futur maître, l’avait tiré de justesse. J’en suis restée comme deux ronds de flan, jusqu’à ce que Rusty m’adresse un clin d’œil appuyé avant de disparaître sous un buisson.
« Une crampe, Noémie ? »
Laura, mon autre collègue, me fixait d’un air étrange, assise jambes écartées et joue sur le mollet. Beth a encore une fois mentionné quelque chose à propos du yoga, et il est vrai que je devais moi aussi avoir une drôle d’allure, genre cocker à l’arrêt, truffe en avant et gueule ouverte. Naturellement, il était hors de question de répondre quelque chose comme « Vous n’allez pas me croire : il y a un écureuil qui vient de me faire un clin d’œil ! », parce qu’alors elles m’auraient toutes deux conseillée d’arrêter la drogue, chose que je n’aurais pu supporter un jour pareil.
Comme sous hypnose, je me suis levée pour aller inspecter de près l’endroit où j’avais vu se faufiler Rusty. Je l’ai appelé à voix basse, mais en vain. Mes bras ne tremblaient pas, au contraire de mes pensées et souvenirs, où c’était le chaos généralisé. Trois années sans Owen, bon sang, trois années à subir réminiscences et échos à chaque coin de rue, chaque bateau de papier dans le caniveau. Au moins Rusty était-il réel, lui, rien à voir avec une projection de mon esprit. Comme ces deux-là, eux aussi, avaient été inséparables autrefois … Rusty avait son épaule de préférence, la gauche, et il fallait le voir narguer les matous depuis son perchoir ! Parfois, Owen faisait l’idiot à courir, danser ou virevolter sur la musique qu’il avait en tête, et c’était à peine si l’animal bronchait, tout au plus s’assurait-il une meilleure prise de ses petites griffes. Résultat, la veste et les chemises d’Owen étaient toujours trouées au même endroit, ce dont il se fichait pas mal, par ailleurs.
Quand j’en ai eu assez de passer pour une golfeuse en perdition à défricher les fourrés dans un sens puis dans l’autre, je suis retournée m’asseoir parmi mes collègues passablement intriguées. J’étais quelque peu stoned, il faut bien l’avouer. Pas du genre groggy ou hébétée, juste aérienne comme jamais. Dans mon esprit, il n’y avait pas la moindre inquiétude à l’idée d’avoir laissé passer ma chance, rien à voir avec un train que l’on arrive tout juste à toucher du bout des doigts avant la fin du quai. Même si j’aurais été bien en peine de l’expliquer, cette apparition inattendue de Rusty me semblait obéir à une logique infaillible, comme si le destin venait de me rappeler à lui pour me faire savoir qu’il n’en resterait pas là, cette fois.

vendredi 7 septembre 2012

Holy smoke, THAT long ?!

Vous vous souvenez des tamagoshis, ces espèces d'amulettes électroniques abritant une créature qui cassait sa pipe à moins qu'on ne l'alimente régulièrement ? De retour sur ce blog après plusieurs mois d'incativité, je me dis que j'ai du bol que Google/Blogspot compte sur moi pour continuer à générer du traffic à qui faire voir les pubs de ses partenaires !

Le fait est que j'aurais presque mérité de voir ce site viré sans ménagement, puisque même dans la vraie vie, je n'ai en effet pas écrit la moindre ligne depuis mon retour du Canada et la finalisation du découpage de la bd "L'Eté de la Grande Sécheresse" (affaire encore en cours, d'ailleurs). Pas davantage tenté de publier quelque vieillerie, ou de contacter le moindre éditeur. Ce n'est pas que j'aie connu une phase particulièrement glandeuse ou dépressive, juste que l'heure n'était pas à l'écriture, tout simplement ...

Début janvier 2012, cependant, alors que je me dirige sans grand enthousiasme vers l'agence pour l'emploi de mon quartier, je décide de rallonger quelque peu le trajet via d'engageantes ruelles tout en vieilles bicoques et vieux pavés branlants. Comme aurais-je pu deviner que cette déviation presque inconsciente allait déboucher sur un futur nouveau récit, dès lors que mon maudit (ou béni, c'est selon) troisième œil y "aperçut" un homme tout sourire oublié au fond d'un trou laissé béant par des ouvriers des eaux ou du téléphone, qui sait. Cet homme, je lui ai aussitôt imaginé des tenants et aboutissants à sa présence en ce lieu insolite : je le voyais bien, par exemple, incapable de se faufiler dans sa rame de métro habituelle pour cause de trop plein, décider de rentrer chez lui au hasard des rues, le nez en l'air pour mieux contempler les merveilles architecturales d'une ville qu'il croyait pourtant bien connaître, ne pas voir le trou s'approcher, y tomber, puis préférer rester au frais, hors factures, klaxons et clopes qui s'amoncellent dans le caniveau. Puis, c'est à Noémie que j'ai pensé, me disant qu'il pourrait s'agir d'une fille de la campagne montée en ville - comme chaque semaine - pour y retrouver son soupirant du week-end, et qui va elle aussi rencontrer cet ermite urbain, discuter le bout de gras, etc.

8 mois de notes nocturnes, principalement

Une semaine plus tard, je me réveillais pour griffonner une suite possible, au dos d'une vieille enveloppe de la Mutuelle ramassée au hasard. Le lendemain, je notais dans un sms que Noémie rencontrerait également une "fille à l'écureuil". A quel moment, où ? Mystère ! Puis - note suivante - : il sera question d'une quête. Et d'un iceberg. De fantômes gloutons, aussi. D'un grand-père bougon, sorte de Père Fourras en Alaska. Et d'une fille qui lisse ses cheveux pendant des heures dans un bus, d'un garçon qui lui en coupe ensuite une mèche à son insu, pour s'amuser. Des images, des paroles, comme une histoire oubliée qui revient peu à peu en mémoire, au gré de bouts de papier au pied du lit ...

Puisse le trajet en valoir la peine, et s'achever de mon vivant !