jeudi 8 mai 2014

"Aime le bon rock" ?

C'est en tout cas ce dont je me gargarise à gauche du présent message. Mais qu'est-ce donc que le bon rock selon ce prétentieux élitiste de Thomas Darell ? Dans la foulée de mon post précédent, où je me limitais à 4 bouquins essentiels, je me suis dit qu'il serait plaisant (du moins pour moi, après rien ne vous oblige à me lire, évidemment) d'également lister quelques disques qui m'ont "formé". Non seulement cela vous donnera peut-être des idées de merveilles à découvrir si vous êtes en manque, mais aussi cela me permettra de remplir un peu ce blog sans pour autant me la péter avec mes écrits ...

Alors, sans ordre particulier :

'Doolittle' des Pixies, évidemment. De la ligne de basse de 'Debaser' aux cris de 'Gouge Away', il n'y a absolument rien à jeter. Sans les Pixies, difficile d'imaginer à quoi auraient ressemblé les années 90, musicalement parlant. L'humour, la rage, l'inventivité, le charme même (alors qu'ils ne sont pas franchement ce qu'on pourrait appeler sexys), les paroles étranges de Frank Black ... Un must !



'Split' de Lush, parce que je suis tout de suite tombé amoureux fou de la belle Miki, d'abord, puis parce que les joutes vocales avec son amie guitariste Emma sont à tomber sur cet album, et que j'ai écouté cent fois ces chansons dans le noir de ma chambre (essayez de ne pas avoir avoir la gorge nouée en écoutant vraiment - pas en bête fond sonore - des plages comme 'When I Die' ou 'Desire Lines')...




'Ask Me Tomorrow' de Mojave 3. Pareil pour ce qui est des harmonies vocales, cette fois entre Neil Hasltead et Rachel Goswell. Dépouillé, lent, planant, ce disque est la version non-électrique de ce que ces deux-là proposaient avec Slowdive, leur groupe précédent. Haunting et sublime.




'Before Hollywood' des Go-Betweens, parce que c'est le disque - le titre en atteste - où les trois de Brisbane ont compris qu'ils ne seraient jamais de grandes stars. Ce disque mérite sa place dans mon classement pour le formidable 'Cattle and Cane' ainsi que pour cet humour noir cher à Robert Forster.



'Wish' de Cure, parce que c'est l'un des disques que j'ai le plus écouté en heureuse compagnie, chacun avec un écouteur fiché dans l'oreille, et que Robert Smith comprenait tout de ce que l'on vivait à cet âge.

'Let's Get Out Of This Country' de Camera Obscura, pour la voix de Tracyanne Cambell, les arrangements sixties, la mélancolie, la perfection pop. L'album de rêve pour tomber amoureux ou pour savourer une rupture.



"Flourish Perish' de Braids, parce que ces Canadiens nous ont sorti l'an passé un disque aussi essentiel que le premier Arcade Fire ou, soyons fou, 'Ok Computer' de Radiohead. Les médias n'ont pas relevé, évidemment, mais c'est parce qu'ils n'y connaissent rien.


'Magical Mystery Tour' et 'Rubber Soul' des Beatles, parce que sans être un grand fan des quatre de Liverpool, il s'agit de deux disques immenses où se trouvent mes chansons favorites : Strawberry Fields Forever, Norwegian Wood, Penny Lane, I Am The Walrus, Girl, Nowhere Man, In My Life ...

Et c'est tout, sinon c'est parti pour trois pages !

vendredi 2 mai 2014

Quatre bouquins sans lesquels je n'aurais jamais noirci la moindre page

Mercredi soir, je me suis rendu, sur l'invitation de ma bibliothèque favorite (Auderghem, pour leur faire un peu de publicité au passage), à une rencontre avec l'écrivain de polar Paul Colize. L'idée était de lui laisser carte blanche pour qu'il puisse nous présenter quelques uns des romans et auteurs l'ayant influencé avant et au long de sa carrière de romancier. Pour moi qui suis toujours avide de découvertes en la matière, c'était évidemment à ne pas rater, et bien m'en a pris car il était bien sympathique, ce Paul Colize, et cela m'a permis de repartir avec ma petite liste de bouquins à prochainement chercher en seconde main ("Le Choix de Sophie" de Styron et "Le Dernier Lapon" d'Olivier Truc, notamment).

Du coup, il me vient aujourd'hui l'idée d'également lister quelques-uns de mes romans clé, ceux qui m'ont, comme on dit vulgairement, "laissés sur le cul" et me déprimeraient si d'aventure il me prenait l'idée saugrenue d'un jour vouloir comparer ma prose à la leur. De la sorte, non seulement cela vous donnera peut-être à votre tour des idées de lecture, mais si j'ai un de ces quatre la chance de publier et de devoir me plier au même exercice que Mr Colize mercredi, hé bien il ne me restera plus qu'à venir m'inspirer de cette page !

Alors le premier bouquin que je vais mettre à l'honneur, il s'agit de "Vurt" de Jeff Noon, auteur britannique pas très connu en francophonie. Je ne vais pas raconter en détail de quoi il s'agit (sachez juste qu'il s'agit de junkies à la recherche de plumes qui donnent d'étranges visions et sensations lorsqu'on les "sirote"), mais ce livre m'a complétement scié de par son inventivité, son rythme incroyable, les sensations de couleurs et d'odeurs qu'il arrive à transmettre. D'autres romans de Noon sont tout aussi recommandables (Pixel Juice, Needle in the Groove, Pollen notamment), mais cette première lecture, quelle sérieuse claque, mes aieux ! (D'ailleurs, rien que d'écrire ces quelques mots, j'ai envie de m'y replonger. A noter que la traduction française, si elle fait ce qu'elle peut, semble être très inférieure à l'original ... Pour en savoir davantage : http://littexpress.over-blog.net/article-34132701.html)





 Autre claque : "La Forteresse de Solitude" de l'américain Johnathan Lethem. Un pavé d'une intensité et d'un lyrisme à tomber. Au contraire du précédent, je dois avouer avec honte avoir dû laisser tomber la VO, vu le niveau d'anglais trop élevé, et avoir dû me rabattre sur la traduction française histoire de savourer pleinement la chose. Je vais être paresseux et piquer un résumé tout fait sur un autre site : "Dylan a cinq ans lorsque ses parents s'installent à Brooklyn. Ce sont les seuls Blancs du quartier. Son père, Abraham, un peintre conceptuel, passe ses journées dans son atelier. Sa mère est une gauchiste persuadée qu'il n'y a rien de tel que grandir dans la rue. Dylan apprend peu à peu les règles du quartier. Mais ce petit garçon blond et timide reste isolé parmi les gamins noirs et portoricains. Jusqu'à ce que Mingus s'installe près de chez lui. Elevé par son père, une pop-star oubliée accro à la cocaïne, Mingus est métis. Il prend Dylan sous son aile, le protège, l'initie aux comics, au graffiti, et plus tard au hip-hop, à la soul et la drogue. L'un est blanc, l'autre noir. Tous deux sont seuls dans cette ville dangereuse comme une forêt de conte de fées. Forteresse de solitude est un livre sur l'enfance, le souvenir et la rédemption. C'est aussi une fresque de l'Amérique de la rue, depuis les années 70 où le choix de chaque vêtement, chaque disque, chaque mot est un acte politique dans la guerre larvée pour la conquête du quartier, jusqu'aux années 2000 où plus rien ne compte." IMMENSE.

Numéro 3 à présent. Lorsque je terminais d'écrire "Noémie met les voiles", le tome 6 d'une sacrée BD, "Locke & Key", m'est enfin arrivé par la poste. Le scénario de "Locke & Key", on le doit à Joe Hill, qui n'est, figurez-vous, autre que l'un des fils de Stephen King himself. Sans surprise, il est donc question de hantises et de forces démoniaques, mais aussi et surtout du portrait d'une famille devant faire face à l'adversité ainsi qu'à elle-même. Ajoutez-y une inventivité débordante, des dessins surprenants au début puis, une fois qu'on s'y est fait, à couper le souffle, et une vraie intelligence scénaristique qui permet aux auteurs de fournir en cours de route une explication à chacun des mystères soulevés dans les tomes précédents, sans lourdes démonstrations pour autant. Brillant, fascinant, un brin roublard et totalement haut de gamme pour de la bd ricaine !



Un "petit" dernier car c'est déjà assez long ainsi : "Fahrenheit 451" de Ray Bradbury. Faut-il vraiment expliquer pourquoi ? Non seulement l'ami Ray nous a prédit avec 40 ans d'avance les écrans plasma géants, les ear plugs, les voitures auto-pilotées, les publicités omniprésentes, les communications à distance sans fil, l'isolement des humains bourrés d'informations devant leur écran... Visionnaire, usant (abusant, diront certains) de magnifiques métaphores, ce roman est une œuvre de résistance plus que jamais d'actualité.




(Sans entrer dans le détail, citons aussi Fredric Brown, génial auteur de polars à l'ancienne avec bimbos et cigares, excellentes intrigues et humour omniprésent ; "Kafka sur le rivage" et encore mieux selon moi, "Chroniques de l'oiseau à ressort" d'Haruki Murakami (une évidence, mais difficile de ne pas le citer...); "Demande à la poussière", le plus beau John Fante ; "L'employé" de Jacques Sternberg ; "Steppenwolf" d'Hermann Hesse, "Nouvelles de l'anti-monde" de Georges Langelaan (un des premiers recueil "sérieux" que j'ai lu) ; "100%" de Paul Pope; "La Traversée de l'été" de Truman Capote ; etc etc !)

samedi 22 mars 2014

Over !

Juste un mot pour dire que le roman est terminé (Le mot "FIN" a été tapé, en tout cas), même s'il devra hélas encore subir beaucoup de relectures et modifications en tenant compte des avis des uns et des autres. Un très très grand merci à Claudine, Véro, Benoît, Peter et Daniel s'ils passent par ici, d'ailleurs (en attendant les autres) ! Le texte semble bien fonctionner en terme de rythme, de "suspense", de crédibilité des personnages et des situations, donc l'expérience est plutôt positive jusqu'ici ...

"Noémie met les Voiles" (titre provisoire mais potentiellement définitif) a pour thème principal l'évolution d'un personnage (Noémie, donc) qui ne sait trop si elle doit s'acharner ou renoncer, fuir ou faire face. La fin ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais tant pis ! J'ai beau retourner cela dans tous les sens, je n'en vois pas de plus appropriée.

Reste le pire du travail désormais : pondre un résumé un minimum accrocheur, sélectionner de potentiels éditeurs, rédiger des lettres d'accompagnement, etc. POUAH :)

En hommage à "Rusty" l'écureuil, l'une des stars de ce roman

Mon autre actualité, sinon, c'est que j'ai cette année eu le plaisir de me retrouver en séance dédicaces à la Foire du Livre de Bruxelles, oui Monsieur, cela dans le cadre du recueil de nouvelles de l'Asbl Novelas où se trouve ma nouvelle "L'été de la grande sécheresse". Ce fut un moment sympathique, et je remercie encore Stephan Van Puyvelde de Novelas pour l'initiative.

Tout aussi plaisant même si cela n'a rien à voir avec l'écriture : j'ai quelque jours plus tard trouvé un "authentique" gant Freddy Krueger en rue ! It made my year, sérieusement !

 

mercredi 8 janvier 2014

Publication

Plus rien depuis le 6 juillet, déjà ?! Holy cow ! Il est grand temps d'y remédier, même si c'est pour du réchauffé déjà publié sur Facebook : le mois dernier (novembre, donc) a vu la parution du recueil "Les Mots en Héritage" du très dynamique Stephan Van Puyvelde de l'association Novelas. S'y trouve, parmi d'autres gemmes du même calibre, ma nouvelle "L'Eté de la Grande Sécheresse" ...

Stephan a également convoqué des illustratrices et -teurs pour synthétiser en un dessin le contenu de chaque nouvelle, et force est de constater que le tout "donne" sacrément bien !

Le recueil est disponible en s'adressant directement à Stephan via la page Facebook de Novelas, et vous pouvez également lire ma nouvelle dans mon petit recueil en pdf en haut à droite de ce même site.

Merci de me lire, et je vous souhaite une sympathique année à venir, tant qu'à faire !

 Illustration d'Alexis Dourdine

samedi 6 juillet 2013

Recyclage


Comme prévu, le roman s'inspire de mes petits voyages ...

Noémie : " Un peu plus tard encore, me voila peinant à grimper la même côte, désormais au cœur d’un blizzard apparu en un claquement de doigts. Chaque fois que je relevais le visage dans l’espoir d’enfin apercevoir le sommet, une rafale de grêle venait me punir d’une gifle dans la face. On n’y voyait pas à dix pas, de toute manière, la faute à cette brume de malheur. Le plus perturbant lorsqu’on est pris dans le blizzard, si vous avez déjà remarqué, c’est cette impression de ne jamais avancer d’un pouce, peu importe le temps et les efforts. Tout s’uniformise autour de vous et vous ne verriez même pas la différence si on remplaçait soudain la route par une assiette de farine géante. Bref, pas d’autre choix que de marcher courbé en deux, les yeux vers la route, un pas après l’autre, avec la sueur qui vous inonde le cou, les bras, et finit par vous donner l’impression glauque d’avoir muté en une sorte d’attrape-mouches géant. "


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vendredi 28 septembre 2012

Je ne sais vraiment pas où je vais avec ça ...

Premier morceau de texte écrit en plus d'un an, hooray ! Hélas pour moi - vu comme je deviens vite obsédé par un récit dont je veux connaitre le dénouement - on dirait que je suis parti pour du long terme ...

" La première fois que j’ai cru revoir Rusty, l’écureuil d’Owen, j’étais allée pique-niquer au parc avec deux collègues férues de yoga. La décence voudrait-elle que je passe sous silence leur humour redoutable consistant à glisser, chaque fois que le climat le permettait, qu’elles sortaient prendre leurs « poses de midi » ? Probablement, mais peu importe.

Le temps qu’elles se mettent à leurs premiers étirements, j’avais peu à peu vu mon menton plonger de lui-même dans les pages de mon bouquin du moment, « Une Porte sur l’Eté » de Robert Heinlein si mes souvenirs sont bons, ou peut-être était-ce « Tender Is The Night » de Fitzgerald. C’est qu’en ce temps-là, allez savoir pourquoi, il m’était difficile de rester concentrée sur mon sujet, quel qu’il soit, plus de deux minutes d’affilée. Peu importait l’intérêt des anecdotes, l’urgence du travail à fournir ou la difficulté d’une recette, quelque chose en moi devait juger que rien n’en valait vraiment la peine, parce qu’aussitôt je perdais le fil au profit d’un pivert dans le jardin ou d’une bande dessinée en solde sur le net. Une amie de ma mère, qui avait trop lu Dolto et consorts, voulait mettre cela sur le compte du libre arbitre d’un inconscient trop longtemps refoulé, ou autre connerie du genre. Mais mon point de vue à moi, c’est que je me désagrégeais jour après jour, juste comme n’importe qui d’autre sur cette planète, et qu’il n’y avait pas de quoi en faire un plat.

Chez mes collègues Beth et Laura, en revanche, aucun souci de concentration à déplorer. Il fallait les voir dans leurs postures alambiquées, respiration régulière, pas un muscle qui ne frémisse, insensibles - ou feignant de l’être – à l’agitation habituelle du parc. Ce qui ne manquait jamais de m’impressionner, c’était la façon dont l’une et l’autre s’y prenaient pour éviter que leur tee-shirt ne leur tombe sur le visage chaque fois qu’elle se retrouvaient la tête en bas. Utilisaient-elles une ceinture abdominale en velcro, de l’amidon à forte dose ? Vraiment, je n’en avais pas la moindre idée.

Juste avant que Rusty n’entre en scène, Beth m’a tirée de ma torpeur en proposant de m’initier à quelques mouvements de base, à quoi je me suis empressée de répondre par une grimace gênée qui signifiait en substance : « Oh, non merci ! Tu sais bien que je suis trop timide pour m’exhiber ainsi au milieu de tout le monde ! » et elle a aussitôt laissé tomber. Du haut de ses vingt-deux ans, Beth n’en est pas moins directrice – par alliance, mais tout de même – de l’agence de voyage dans laquelle je bossais à l’époque, si on peut appeler ça ainsi. Son grand plaisir dans la vie, en dehors de fourguer de la pyramide et des pirogues aux petits vieux, c’était de voir les quatre employées sous ses ordres former une belle famille unie, sans secrets, rancunes ou jalousies, tout ça. On s’invitait donc souvent les unes les autres pour un repas à domicile, et il arrivait aussi que nous passions le week-end ensemble à sauter dans les arbres ou descendre des rapides en kayak, vous voyez le genre. Pour autant, personne à ma connaissance n’a jamais osé lui avouer à quel point elle pouvait être cruche, quand elle s’y mettait. Pas une mauvaise personne, hein ! Mais rien que les encadrements de ses caniches nains au bureau, seigneur … On pouvait y voir Emeraude sous son ombrelle japonaise, Bijou partageant une crème glacée avec sa maîtresse, Reggie dans son petit manteau en poil de lama certifié, Emeraude encore, posée sous une cloche de verre telle une véritable pierre précieuse ou un fromage. Moi je m’en fichais, à vrai dire. Pour ce que ça changeait, elle aurait tout aussi bien pu les photographier en action avec des boucs en rut, ses molosses.

Mais je m’égare déjà, revenons au parc et à l’apparition de Rusty.
Ce mois d’août-là, on traversait une canicule rare pour la région, ce qui n’empêchait pas de nombreux joggeurs de sillonner les allées en suant et soufflant pire que les oies du Capitole. Il y avait des petits vieux à l’air sévère et concentré, de jeunes loups en short moulant, quelques bonnes femmes replètes entre deux âges, comme on dit pour être poli. Tous s’en donnaient à cœur joie, exhibant leurs habits en fibres spéciales et leurs chaussures dernier cri. Quelques varices et bourrelets pour rendre le spectacle plus humain, aussi.
Bref, c’est à ce moment-là que Rusty est descendu tête la première d’un arbre non loin pour se dresser sur les pattes arrière et me fixer longuement, les narines frémissantes. Rien d’étonnant à ce que cela se produise au beau milieu d’un parc, vous me direz, sauf que l’animal avait la queue anormalement penchée vers la droite et qu’une de ses oreilles manquait à l’appel, résultat, je le savais, d’une rixe avec un félin dont Owen, son futur maître, l’avait tiré de justesse. J’en suis restée comme deux ronds de flan, jusqu’à ce que Rusty m’adresse un clin d’œil appuyé avant de disparaître sous un buisson.
« Une crampe, Noémie ? »
Laura, mon autre collègue, me fixait d’un air étrange, assise jambes écartées et joue sur le mollet. Beth a encore une fois mentionné quelque chose à propos du yoga, et il est vrai que je devais moi aussi avoir une drôle d’allure, genre cocker à l’arrêt, truffe en avant et gueule ouverte. Naturellement, il était hors de question de répondre quelque chose comme « Vous n’allez pas me croire : il y a un écureuil qui vient de me faire un clin d’œil ! », parce qu’alors elles m’auraient toutes deux conseillée d’arrêter la drogue, chose que je n’aurais pu supporter un jour pareil.
Comme sous hypnose, je me suis levée pour aller inspecter de près l’endroit où j’avais vu se faufiler Rusty. Je l’ai appelé à voix basse, mais en vain. Mes bras ne tremblaient pas, au contraire de mes pensées et souvenirs, où c’était le chaos généralisé. Trois années sans Owen, bon sang, trois années à subir réminiscences et échos à chaque coin de rue, chaque bateau de papier dans le caniveau. Au moins Rusty était-il réel, lui, rien à voir avec une projection de mon esprit. Comme ces deux-là, eux aussi, avaient été inséparables autrefois … Rusty avait son épaule de préférence, la gauche, et il fallait le voir narguer les matous depuis son perchoir ! Parfois, Owen faisait l’idiot à courir, danser ou virevolter sur la musique qu’il avait en tête, et c’était à peine si l’animal bronchait, tout au plus s’assurait-il une meilleure prise de ses petites griffes. Résultat, la veste et les chemises d’Owen étaient toujours trouées au même endroit, ce dont il se fichait pas mal, par ailleurs.
Quand j’en ai eu assez de passer pour une golfeuse en perdition à défricher les fourrés dans un sens puis dans l’autre, je suis retournée m’asseoir parmi mes collègues passablement intriguées. J’étais quelque peu stoned, il faut bien l’avouer. Pas du genre groggy ou hébétée, juste aérienne comme jamais. Dans mon esprit, il n’y avait pas la moindre inquiétude à l’idée d’avoir laissé passer ma chance, rien à voir avec un train que l’on arrive tout juste à toucher du bout des doigts avant la fin du quai. Même si j’aurais été bien en peine de l’expliquer, cette apparition inattendue de Rusty me semblait obéir à une logique infaillible, comme si le destin venait de me rappeler à lui pour me faire savoir qu’il n’en resterait pas là, cette fois.

vendredi 7 septembre 2012

Holy smoke, THAT long ?!

Vous vous souvenez des tamagoshis, ces espèces d'amulettes électroniques abritant une créature qui cassait sa pipe à moins qu'on ne l'alimente régulièrement ? De retour sur ce blog après plusieurs mois d'incativité, je me dis que j'ai du bol que Google/Blogspot compte sur moi pour continuer à générer du traffic à qui faire voir les pubs de ses partenaires !

Le fait est que j'aurais presque mérité de voir ce site viré sans ménagement, puisque même dans la vraie vie, je n'ai en effet pas écrit la moindre ligne depuis mon retour du Canada et la finalisation du découpage de la bd "L'Eté de la Grande Sécheresse" (affaire encore en cours, d'ailleurs). Pas davantage tenté de publier quelque vieillerie, ou de contacter le moindre éditeur. Ce n'est pas que j'aie connu une phase particulièrement glandeuse ou dépressive, juste que l'heure n'était pas à l'écriture, tout simplement ...

Début janvier 2012, cependant, alors que je me dirige sans grand enthousiasme vers l'agence pour l'emploi de mon quartier, je décide de rallonger quelque peu le trajet via d'engageantes ruelles tout en vieilles bicoques et vieux pavés branlants. Comme aurais-je pu deviner que cette déviation presque inconsciente allait déboucher sur un futur nouveau récit, dès lors que mon maudit (ou béni, c'est selon) troisième œil y "aperçut" un homme tout sourire oublié au fond d'un trou laissé béant par des ouvriers des eaux ou du téléphone, qui sait. Cet homme, je lui ai aussitôt imaginé des tenants et aboutissants à sa présence en ce lieu insolite : je le voyais bien, par exemple, incapable de se faufiler dans sa rame de métro habituelle pour cause de trop plein, décider de rentrer chez lui au hasard des rues, le nez en l'air pour mieux contempler les merveilles architecturales d'une ville qu'il croyait pourtant bien connaître, ne pas voir le trou s'approcher, y tomber, puis préférer rester au frais, hors factures, klaxons et clopes qui s'amoncellent dans le caniveau. Puis, c'est à Noémie que j'ai pensé, me disant qu'il pourrait s'agir d'une fille de la campagne montée en ville - comme chaque semaine - pour y retrouver son soupirant du week-end, et qui va elle aussi rencontrer cet ermite urbain, discuter le bout de gras, etc.

8 mois de notes nocturnes, principalement

Une semaine plus tard, je me réveillais pour griffonner une suite possible, au dos d'une vieille enveloppe de la Mutuelle ramassée au hasard. Le lendemain, je notais dans un sms que Noémie rencontrerait également une "fille à l'écureuil". A quel moment, où ? Mystère ! Puis - note suivante - : il sera question d'une quête. Et d'un iceberg. De fantômes gloutons, aussi. D'un grand-père bougon, sorte de Père Fourras en Alaska. Et d'une fille qui lisse ses cheveux pendant des heures dans un bus, d'un garçon qui lui en coupe ensuite une mèche à son insu, pour s'amuser. Des images, des paroles, comme une histoire oubliée qui revient peu à peu en mémoire, au gré de bouts de papier au pied du lit ...

Puisse le trajet en valoir la peine, et s'achever de mon vivant !